Neverland
une fanfiction by 01 194
TABLE DES MATIÈRES
Introduction. 3
PARTIE 1 GRACE FIELD HOUSE. 4
DU POINT DE VUE D’EMMA…. 4
PARTIE 2 UNE ANNÉE SANS NORMAN. 8
DU POINT DE VUE DE NORMAN…. 14
PARTIE 3 SEULS CONTRE TOUS. 18
DU POINT DE VUE D’EMMA…. 20
DU POINT DE VUE DE RAY….. 23
DU POINT DE VUE D’EMMA…. 26
PARTIE 4 REVELATIONS. 29
DU POINT DE VUE DE NORMAN ….. 29
DU POINT DE VUE D’EMMA ….. 32
DU POINT DE VUE DE NORMAN…. 37
PARTIE 5 NORMAN S’EN VA. 39
DU POINT DE VUE D’EMMA…. 39
DU POINT DE VUE DE RAY….. 42
DU POINT DE VUE D’EMMA…. 42
DU POINT DE VUE DE GILDA…. 43
PARTIE 6 L’EVASION. 44
DU POINT DE VUE D’EMMA…. 47
EPILOGUE. 48
Ce que devint Norman. 48
Ce que devint Ray. 49
Ce que devinrent Gilda et les enfants. 51
Ce que devint Emma. 51
Conclusion. 53
Introduction
Il était une fois une fille de 11 ans fan de TPN qui décida d’écrire une fanfiction TPN. Un an plus tard, la voici prête. J’espère que lire cette histoire vous emportera comme elle l’a fait avec moi et que vous plongerez dans cet espèce de monde parallèle !
Bonne lecture !!
PARTIE 1 GRACE FIELD HOUSE
DU POINT DE VUE D’EMMA…
À l’orphelinat Grace Field, Maman veillait tendrement sur les enfants. Et un jour, trois nouveaux frères et sœurs arrivèrent.
-Les enfants ! s’écria Maman. Regardez, voici vos nouveaux frères, Norman et Ray… Et voici votre nouvelle sœur, Emma.
-Bonjour, Emma, Norman et Ray ! crièrent les enfants.
Maman rit doucement.
C’est ainsi qu’Emma, Norman et Ray arrivèrent à Grace Field House. Ils grandirent dans l’insouciance, et le temps passa. Ils avaient à présent 9 ans, et c’est là que l’histoire commence…
Emma gambadait joyeusement dans l’herbe du parc. C’était un matin d’été, et il faisait une chaleur étouffante.
-Ray ! Norman ! Venez, on va jouer au loup ! cria-t-elle.
La petite fille avait des cheveux roux aux reflets dorés et des yeux verts, et Maman répétait souvent qu’elle était le soleil de la maison.
-Non seulement tes cheveux rayonnent, souriait-elle, mais tu es toujours joyeuse et ne te laisse jamais abattre. Je te le répète, Emma, tu es un soleil !
Norman lui répondit :
-J’arrive !
-Pas pour moi.
Celui qui venait de prononcer cette phrase était Ray.
-Oh allez, allez !
-Sans façon, merci.
-Comme tu veux, soupira Emma, déçue ; Mais tu ne sais pas ce que tu rates !
Norman était un petit garçon fluet aux yeux bleu clair et aux cheveux blond platine, presque blancs. Il était très intelligent. Quant à Ray, il avait les cheveux noirs et les yeux noirs, et passait son temps le nez dans les livres.
Norman courait pour rattraper Emma, mais il s’essouffla vite et Emma revint vers lui et l’aida à courir. Le jeu du loup était très simple, il suffisait de choisir le loup, et tous les autres allaient se cacher dans la forêt du parc de Grace Field. Cette forêt, ils la connaissaient comme leur poche ! Ils avaient grandi avec elle, et c’était leur terrain de jeu depuis toujours. Les autres enfants les attendaient, et Don s’écria :
-Eh ben, où est Ray ?
-Il ne veut toujours pas venir ? renchérit Gilda.
-Non…marmonna Norman.
Il sourit et ajouta :
-Toujours plongé dans ses livres ! Alors, qui fait le loup ?
Il s’interrompit, voyant que tout le monde le fixait gentiment…
-AH NON ! cria-t-il. C’est toujours moi qui fais le loup, faut qu’on change, un peu !
-Allez ! lui dit Gilda, le regardant par-dessus ses grosses lunettes rondes.
-De toute façon, tu gagnes toujours, Norman, alors pourquoi tu ne veux pas ? lança Ray de son arbre.
-Gnah… BON D’ACCORD, mais la prochaine fois c’est pas moi !
-Il dit ça, et ça recommence la prochaine fois ! glissa Emma à Gilda, et elles pouffèrent de rire. Il est bien trop gentil pour refuser !
Elles gloussaient encore quand les enfants s’éparpillaient dans la forêt et Norman compta jusqu’à 100.
-1…2…3…4…5…6…7…8…9…10…
Emma se cacha d’abord sous une racine, mais entendant Norman arriver, elle grimpa en haut de l’arbre. Norman passa en courant et attrapa la petite Anna qui courait vers le sentier. Un peu plus tard, tout le monde était attrapé sauf Emma. C’était toujours comme ça. Mais comme d’habitude, Norman l’attrapa de justesse.
-ENCORE ! pesta-t-elle. La prochaine fois tu ne m’attraperas pas !
-La prochaine fois, le loup ce ne sera pas moi ! chantonna Norman. Tralala !
Emma posa les bras sur ses hanches et secoua la tête pour enlever les feuilles nichées dans sa tignasse. Elle redressa son épi, lissa ses vêtements et partit vers l’orphelinat pour le déjeuner.
On servait aujourd’hui du poulet, accompagné d’une jardinière.
-MIAM ! crièrent les enfants.
-Haha ! Attendez que je vous serve ! rit Emma.
Grace Field House était le meilleur endroit du monde. On mangeait bien, on dormait bien, on faisait du sport, et on avait l’amour d’une Maman et de plein de frères et sœurs ! Emma pensait que ça durerait toujours. Si seulement la vie était si simple ! Aux 10 ans d’Emma, tout allait bien. À ses 11 ans… tout bascula. Conny, une petite sœur de 6 ans, était adoptée. Emma était toujours un peu triste quand un enfant partait… Mais elle se consolait bien vite en pensant qu’il aurait une vie merveilleuse.
« Un jour, ce sera mon tour. »
En attendant, elle, Norman et Gilda préparaient Conny. Ils étaient en permanence vêtus de blanc, mais à leur adoption, les enfants revêtaient une tenue autre : un canotier posé sur leur tête, une cravate et une veste par-dessus la chemise habituelle, et la jupe ou le pantalon changeait de couleur.
-Comment tu me trouves ? s’enquit Conny.
-Tu es par-faite, s’écria Emma.
Conny sourit, rassurée.
-Je n’ai pas de très bonnes notes, et je ne suis pas très futée. Mais mon rêve dans la vie, c’est de devenir une bonne mère, comme Maman !
-Je suis sûre que tu l’accompliras, sourit Maman, qui était apparue sur le pas de la porte. C’est l’heure d’y aller !
Emma étreignit la petite fille.
-Tu vas me manquer !!!
-Ça va aller ! la rassura Conny. Je suis sûre que votre nouvelle sœur sera géniale.
En effet, quand un enfant était adopté, il en arrivait toujours un autre, comme s’il y avait un nombre à respecter.
Ils regardèrent Maman et Conny s’éloigner dans la nuit.
-Au revoir ! cria Emma.
Conny se retourna pour leur faire un signe de la main.
Emma se força à sourire, mais ses lèvres tremblotaient légèrement.
-Emma, regarde ! retentit la voix de Norman de la pièce d’à côté.
-Quoi ? fit-elle, intriguée.
-Conny a oublié sa peluche !! lui cria Norman, dont la tête dépassait.
-Oh flûte ! pesta Emma. Tu crois qu’on devrait lui rapporter ?
Ray, qui était venu dire au revoir à Conny, arriva et suggéra :
-Vous pourriez lui rapporter, oui. Elles ne sont pas parties depuis très longtemps, ajouta-t-il en désignant la porte ouverte du menton.
-Hum… Tu es sûr ? demanda Norman.
-Mais oui, railla Ray. Ça ne va pas vous tuer !
-Bon, d’accord. Viens, Norman !
Et les deux enfants coururent pour rattraper Maman et Conny. Quand ils arrivèrent au portail, ils ne virent personne.
-Tu crois qu’on arrive trop tard ? chuchota Emma.
-Non, écoute : il y a des voix… répondit Norman sur le même ton.
Ils avancèrent prudemment. Le portail était fermé, comme d’habitude, mais une petite cour était à côté, et la porte était ouverte. Emma et Norman s’engagèrent dans ce passage et entendirent :
-Voilà, ça devrait être bon.
Emma et Norman se regardèrent, perplexes. Maman ?!
-Bon. Ce n’est pas de la première qualité, mais ça devrait suffire…
Cette voix-là, ils ne la connaissaient pas… Mais…Elle était râpeuse, horrible, ce n’était pas une voix normale ! Ils entrèrent pour vérifier tandis que la conversation continuait.
-Je vous l’ai dit : les premiums viendront, fit la voix de Maman.
-Oui… En attendant, *** s’en contentera…
Emma et Norman entrèrent prudemment et virent un camion recouvert d’une bâche. Ils s’avancèrent, soulevèrent la bâche et…
Emma faillit crier, mais étouffa sa voix à temps.
Dans le camion, une fleur. Un cadavre. Un cadavre avec une fleur plantée dans le cœur. Un cadavre. CONNY.
Réalisant ce qu’ils venaient de voir, ils détournèrent vite la tête.
-C’est…c’est horrible ! Qui a bien pu faire ça ? s’écria Norman à mi-voix.
-Je ne sais pas. Mais il faut voir à qui parle Maman, répondit Emma.
-Mais…murmura Norman.
-Je veux en avoir le cœur net.
Ils rampèrent jusqu’à voir…
-Merci encore de fournir ***, éleveuse.
Celui qui venait de prononcer cela était…un démon.
-C’est pour ça que je le suis, voyons…
Maman, une éleveuse ?! Nous serions… du bétail ? Nous n’atteindrons donc jamais l’âge adulte ?
Les questions se bousculaient dans la tête d’Emma. Les yeux pleins de larmes, elle tourna les talons, et s’enfuit vers l’orphelinat, prêtant à peine attention à Norman qui l’appelait
PARTIE 2 UNE ANNÉE SANS NORMAN
-QUOI, TU AS DIT QUOI ?
Gilda gardait la bouche fermée, mais ses yeux ronds trahissaient sa surprise, tandis que Don, lui, ne se gênait pas pour hurler à plein poumons.
-Je sais, c’est dur à croire, mais…se justifia Norman.
-C’est la vérité, déduisit Ray, que les évènements ne semblaient pas du tout avoir affecté.
-Oui, lâcha Emma. C’est la vérité vraie.
-Bon ben génial, comment on fait ? On le dit aux petits ? On s’évade ? demanda Don.
-Non, ça serait trop risqué…réfléchit Norman.
En attendant de trouver une solution, ils tinrent ce secret bien gardé. Quelque temps plus tard, Maman dit aux enfants :
-Comme Conny est partie il y a peu, vous avez une nouvelle petite sœur : je vous présente Carol !
-Bonjour, Carol ! crièrent les enfants.
Le bébé avait les cheveux roux comme Emma, mais sans reflets, et les yeux bleus. Emma la contempla, pensive.
« Devons-nous nous évader ? Et si oui, comment ? »
La voix de Maman la tira de ses pensées.
-Et, pendant que nous y sommes, je vous préviens que Norman va bientôt nous quitter.
« Quoi ?! Norman ? »
Les heures qui suivirent passèrent comme dans un rêve, Emma ne vit aucune passer. Elle était concentrée sur une seule chose :
« Trouver Norman, trouver Norman, trouver Norman. »
Enfin, ils se retrouvèrent seuls tous les trois, Norman, Ray et elle. Emma, au bord des larmes, cria :
-C’est vrai, tu vas partir ?
-Qu’est-ce que tu as fait ? tempêta Ray.
-Euh…Rien !!! fit Norman avec un air gêné. Rien !!!
-Norman…railla Ray, sceptique.
-Euh…bon…J’ai -hum- peut-être dit à Maman que -hum hum- qu’Emma et moi avions vu Conny morte et que nous l’avions vue avec les démons et euh…tenta de s’expliquer le garçon, très embarrassé.
-Laisse, laisse, ça va, reprends ton souffle, le calma Emma.
Ils prirent tous les trois une grande inspiration.
-Fouuuuh…souffla Emma. Bon. Tu as dit à Maman qu’on l’avait vue ? (Norman hocha la tête) Parler avec les démons ? (Nouveau hochement de tête.) Et qu’on avait vu Conny ?
-Oui, mais attends attends ! dit Norman. Tu ne crains rien, j’ai juste dit que c’était moi…Et pas toi.
-Elle l’a sans doute deviné, objecta Ray. Elle sait que tu n’es pas du genre à foncer vers le danger…
-CE N’EST PAS VRAI ! s’offusqua Norman.
-Un peu quand même…dit gentiment Emma.
-BREF, dit Ray. Revenons à nos moutons, même si on en a déjà un.
-T’es pas sympa, Ray. marmonna Norman.
-Comment on va faire, si tu n’es plus là ? demanda Emma, au désespoir.
-Vous devez vous évader ! lui rappela Norman.
-Non, Norman, je refuse de m’évader sans toi !!!
-Emma ! Tu es trop excessive, tu vas trop vite ! la rabroua Ray. On va trouver une solution !
-MAIS QU’EST-CE QUI T’EST PASSÉ PAR LA TÊTE ???TU ES DEVENU BÊTE DU JOUR AU LENDEMAIN ??? explosa Emma.
C’en était trop.
-Je ne sais pas ! fit Norman, désespéré.
Emma se mit à pleurer, à sangloter. Toute sa vie s’était déjà écroulée, mais perdre Norman…
-Je ne veux pas que tu meures…tenta de la consoler Norman. Alors tant mieux si je meurs, si vous êtes en v-
-MOI NON PLUS, JE NE VEUX PAS QUE TU MEURES ! hurla Emma.
Elle se jeta dans les bras de Norman.
-Je ne veux pas que tu meures…répéta Emma, en pleurs, étreignant Norman.
-Ça ira, fit Norman en lui rendant son étreinte. Ça ira…
-On te le promet, assura Ray en se joignant à eux.
Ils restèrent ainsi un long moment, à se tenir dans les bras. Soudain, la voix de Maman rompit le silence :
-Qu’est-ce que…Oh ! Emma, Ray, Norman ! Il est tard ! Pourquoi avez-vous encore la lumière allumée ?
-Oh…Maman…fit Emma.
-Qu’est-ce que vous faisiez, comme ça ? Un câlin ?
-Oui, on était tristes que Norman parte, expliqua Ray.
-Je comprends, sourit Maman. Mais il faut dormir maintenant ! ajouta-t-elle, un tantinet plus sévère.
-Oui. Mais Maman, je peux te demander quelque chose ? dit Emma.
-Bien sûr, quoi donc ?
-Pourquoi est-ce que Norman s’en va déjà ? D’habitude, il y a un intervalle de deux mois…
-Oui, cela m’a aussi étonnée. Mais j’ai reçu une demande en avance, d’un enfant très intelligent à adopter le plus tôt possible… Nous avons donc avancé la…hum, l’adoption.
-D’accord.
Ils allèrent se coucher. Le lendemain matin, Gilda alla trouver Emma tôt et lui dit :
-Comment on va faire si Norman part ?
-Je ne sais pas encore, répondit Emma toute ensommeillée.
-J’y ai réfléchi, et il y aurait une solution pour que nous restions vivantes, lui dit Gilda.
-Nous ? Qui, nous ?
-Toi et moi, et toutes les filles si elles survivent.
-Mouais… Si ce n’est que les filles, ça ne vaut pas grand-chose, mais dis toujours, fit Emma.
-On pourrait essayer de… je sais, ça va te sembler fou et lâche, mais je n’y pense pas vraiment…
-Vas-y, je te dis !
-On… on pourrait devenir Mamans.
Emma dévisagea Gilda, interdite. Enfin, sa voix revint et elle articula :
-Hein ? Mais qu’est-ce que tu racontes, Gilda ?
-Tu sais, on resterait en vie, comme ça.
-En sacrifiant des vies pour ne pas mourir ? Mais c’est horrible !!!
-Oui, c’est ce que je me disais.
-Bref, n’y pense plus.
Mais pendant la journée, la voix de Gilda trottait dans la tête d’Emma.
« Devenir Maman, devenir Maman… »
Emma dormit mal cette nuit-là. Elle n’en pouvait plus.
Elle se réveilla à minuit en sueur, après un énième cauchemar où elle courait avec Norman, et soudain, il disparaissait. Emma se prit la tête entre les mains. Elle en voulait à tout le monde.
À Ray, qui les avait poussés à aller voir Conny. À Norman, qui n’avait pas tenu sa langue. À Maman, qui n’était même pas gentille, qui les élevait dans le seul but de les livrer. Aux démons, qui les mangeaient, sans se soucier de leur sort. À tous les enfants de Grace Field, au monde entier.
Elle enfouit sa tête sous son oreiller et sombra dans un sommeil encore plus agité.
Emma ouvrit doucement les yeux. Elle se releva, et machinalement, tendit la main pour faire son lit, mais… ce n’était pas son lit.
-Un rêve ? murmura-t-elle, incertaine.
Soudain, une silhouette apparut au loin. Un chapeau… Une tête blonde…
-Norman ? demanda Emma à mi-voix.
-Oui, c’est moi, répondit le jeune homme.
-Tu… tu es habillé comme… Norman ! Tu vas te faire livrer !
-Je sais, répondit-il. Mais vous restez en vie, et c’est ce qui compte pour moi.
-Arrête, fit Emma en grinçant des dents, essayant de contenir une émotion qui était le mélange de colère, de désespoir, et d’autre chose. Je sais très bien. Je sais que tu ne veux pas mourir, mais tu te sacrifies quand même pour nous ! Tu caches tes véritables émotions !
-Tout comme toi, Emma, dit doucement Norman. Tu veux tous nous sauver. Mais tu n’as pas à m’écouter, je ne suis qu’un rêve…
-Norman ! cria Emma, tandis qu’il disparaissait.
À sa place apparut Gilda, tout de noir vêtue.
-Et si tu devenais Maman ? Et si tu devenais Maman ? Et si tu devenais Maman ?
Aux « Si tu devenais Maman ? » s’ajoutèrent les « Je vais me faire livrer » de Norman. Emma se recroquevilla sur elle-même et se boucha les oreilles. N’en pouvant plus, elle se redressa et hurla :
-ÇA SUFFIT !
Elle sentit aussitôt des mains la secouer et une petite voix :
-Emma ! Emma !
Elle ouvrit brusquement les yeux.
-Phil ? fit-elle en tournant la tête.
Le petit garçon acquiesça.
-Oh non. Oh non, oh non ! J’ai eu une panne de réveil ?
-Oh non, au contraire, tu nous as réveillés !
-Hein ? Pourquoi ?
-Ben… tu as crié.
-J’ai crié dans mon sommeil ? Il est quelle heure ?
-Euh… ben, comme d’habitude, quoi, tu nous as réveillés différemment, c’est tout.
-Ouf… Bon. Venez manger, allez !
Emma gardait fermement ses émotions cachées au fond d’elle, ainsi que son secret. Ainsi, un mois passa. Pendant ce temps, Norman, Ray et elle avaient élaboré un plan. Enfin, disons une ébauche de plan. Un début de plan. En fait, ils n’avaient quasiment rien préparé : leur plan se limitait à cette simple feuille :
PLAN
Norman :1_S’évader
2_Découvrir le monde extérieur
Ray : 1_Le dire à tous les autres
2_Éliminer les obstacles avant de passer à l’acte
3_S’évader
Emma : 1_Le dire aux plus grands
2_S’évader
3_Revenir chercher les petits
4_Découvrir le monde et monter sur des girafes !!!
Donc, pas grand-chose. Mais l’heure du départ de Norman approchait inexorablement.
DU POINT DE VUE DE NORMAN…
Et ce qui devait arriver arriva… Le jour décisif. C’était inévitable.
« Quel jour est-on… ? … Le 11 décembre. C’est aujourd’hui. »
Norman passa la journée à réfléchir au plan. Emma était trop triste pour participer, elle se contentait simplement d’acquiescer de temps en temps.
Viendrait l’heure fatale… L’inévitable… Et il mourrait. Il était sûr qu’Emma ne pouvait accepter ça…
-Bref, conclut Norman, la tirant de ses pensées. Vous devriez plutôt faire ça.
-Mouais. Je verrais plutôt ma façon, moi… rétorqua Ray.
-C’est parce que c’est ta version, sourit Norman. Mais euh… il est quelle heure ?
-Ouin ! 18 heures !
-Pleure pas, Emma, j’ai encore 2 heures… Je vais aller dire au revoir à tout le monde.
Il lui restait 2 heures à vivre…
« Sympa. »
Norman était très intelligent, et il avait raison sur pas mal de choses. Mais en ce moment, il se sentait tellement ignorant ! Tellement puéril ! Il se sacrifiait et ses amis allaient s’évader, mais… Oh, c’était trop dur !
« Je ne veux pas mourir !
Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Je veux tout faire pour les sauver… Pour sauver Emma. Emma, qui a du mal à accepter ces bouleversements soudains… Ray s’en occupera, j’en suis sûr. S’il ne meurt pas avant.
Mais pas elle. »
Il avait entendu Gilda lui glisser l’idée de devenir Maman. C’était possible, ça ? En tout cas, Emma lui avait répondu fermement, mais il avait bien vu que cela la tourmentait. Et quand elle avait crié, le soir suivant… Il était sûr qu’elle atteindrait ses douze ans, au moins. Et Maman lui proposerait sans doute. Mais qu’allait-elle répondre ?
« Quelle étrange sensation… Je sais que je devine juste, mais en même temps j’ignore les passages les plus importants… »
Pendant ce temps, les enfants de Grace Field s’étaient rassemblés, et venaient tour à tour lui faire un câlin.
-Au revoir, Lannion… Au revoir Thoma… Au revoir, Phil… Au revoir, Anna… Au revoir, Gilda… Au revoir Don hééééééé !
Don venait de le soulever dans les airs.
-Hélà euh, pose-moi, Don !
Don le reposa à contrecœur et il reprit ses « au revoir ». En dernier, il y avait Ray et Emma.
-Au revoir, vieille branche. Au revoir, soleil, fit-il (il parlait de Ray et d’Emma, c’était leurs surnoms).
-Au revoir, petit génie, lui retourna Ray.
-Serait-ce un sourire, Ray ? Miracle ! Je t’ai vu sourire, ma vie est réussie, je peux partir en paix, railla Norman en riant.
-TU VAS ME MANQUER !!! cria Emma en se jetant dans ses bras.
-TOI AUSSI !!! cria Norman.
-Ouin ! simula Ray en leur tapotant le dos.
-Je dois y aller. C’est la dernière fois que je vous vois…
-Ils resteront dans ton cœur, ne t’en fais pas. C’est l’heure, Norman.
C’était Maman. Elle dégage une telle douceur et pourtant elle est si froide… Si inhumaine…
-J’arrive, réussit-il à dire, angoissé.
Il revêtit la tenue « d’adoption ». Il fit sa valise.
« Pff… À quoi bon ? »
Puisqu’il était en train de vivre ses derniers instants… Il se raidit soudain, sentant une présence dans son dos. Il se retourna vivement, et…
-Oh…Emma, Ray. Ce n’est que vous.
-T’es stressé ? lui lança Ray.
-Nooon, tu crois ?! rétorqua Norman, sceptique. Tenez, pour que vous gardiez un souvenir de moi.
Il leur tendit des souvenirs.
-Considérez-les comme mon héritage. À toi, Emma, je te donne le téléphone que tu avais fabriqué pour qu’on se parle, quand j’étais malade. À toi, Ray, notre premier cahier d’écriture que nous avions partagé.
-…
-Hé ? T’as perdu ta langue ?
-…
-Emma, Ray ?!
-C’EST IMPOSSIBLE D’AVOIR UNE SCÈNE SÉRIEUSE ? cria Ray.
-Apparemment, non, déglutit Norman.
-Norman, il faut y aller.
Maman.
-J’arrive !
Tandis que Maman, lentement mais sûrement, saisissait sa valise, il regarda Emma et Ray pour la dernière fois.
« Vis comme si chaque jour était le dernier. »
C’est ce qu’il se disait toujours.
« Sauf que là… c’est le dernier. »
Il s’éloigna lentement dans la nuit. Maman chantonnait doucement.
-Mmh-mmh…
Elle s’arrêta brusquement de chanter.
-Bien. À présent, tu sais ce qui va t’arriver, n’est-ce pas ?
-Oui.
-Avais-tu songé à t’évader ?
-Non, mais avec E… espoir, se reprit-il juste à temps. Espoir, c’est ça. Avec espoir, j’y pensais.
-Espoir ? Ho ho ! ricana Maman. Je vois ce que tu veux dire. E… spoir, oui, ha ha.
-C’est ce que j’ai dit, espoir ! se défendit le garçon, un peu effrayé et désorienté.
-Je sais très bien qu’Emma était avec toi.
Norman tressaillit.
-Que…
-Petit ignorant ! Tu me prends pour une idiote ?
-N…non, bégaya le garçon.
-Hum. J’aime mieux ça. Mais tu verras, ce qui va t’arriver est…
-Vous allez me planter une fleur dans le cœur ? D’ailleurs, c’était quoi ? fit Norman, se ressaisissant.
-La vida. C’est une plante vampire. Quand on la plante dans le cœur de quelqu’un, elle aspire son sang jusqu’à le tuer. Quand la fleur est rouge, il est mort.
Norman réfléchit.
-Je vois… Mais…
-Cependant, tu ne recevras pas ce traitement, le coupa Maman.
-Ah bon ? s’enquit le garçon.
- Oui.
-Que recevrais-je, dans ce cas ?
-Tu verras ! Ho ho ho…
Et elle se remit à chanter.
-Que chantes-tu, Maman ?
-Mmh-mh-mh-mh, mh-mh-mh-mhh…
-Maman !
-Quoi ?! fit-elle, légèrement agacée.
-Que chantes-tu ? répéta Norman, agacé lui aussi.
-Une berceuse. Mh-mh-mh-mh-mh-mh-mh-mh-mh…mh-mh-mh…
Ils étaient arrivés au portail.
-Maman, j’ai une dernière volonté, fit Norman.
-Quoi donc, Norman ?
-Dis-moi ce que tu vas faire d’Emma.
PARTIE 3 SEULS CONTRE TOUS
Norman était fermement planté devant Maman.
-Tu veux savoir ce que je vais faire d’Emma ? articula Maman, surprise.
-Oui.
-Eh bien, pourquoi me poses-tu cette question ?
-Que veux-tu dire ?
-Tu le sais déjà. Tu sais que je vais lui proposer de devenir Maman, n’est-ce pas ? Et moi, je sais que vous commenciez à penser à vous évader.
-Que…
Le garçon s’interrompit soudain quand Maman l’agrippa. Elle faisait preuve d’une très grande force.
-Dis-moi quel était votre plan. À qui l’avez-vous dit ?
-À…Gh…À personne ! Nous n’avions pas de plan !
-Dis-le moi !
-LÂCHE-MOI !!
Sous le coup de la surprise, Maman relâcha sa prise. Norman en profita pour relever ses jambes et donna un grand coup dans le ventre de Maman.
Et il courut à perdre haleine jusque dans la forêt.
« Elle ne me retrouvera pas. »
Mais il entendit une course précipitée derrière lui.
« Comment a-t-elle fait ? »
Il fut pris d’une frayeur atroce quand la main de Maman se posa sur son épaule.
Et, comme la mort prête à saisir un vivant, Maman susurra :
-Je t’ai trouvé…
Il se raidit et se retourna, incertain.
« Sacrifie-toi pour tes amis. »
« Pour les sauver. »
« Pour sauver… »
-EMMA !
Il venait de distinguer un épi.
-Hihihi ! Pour une fois, je t’ai battu ! rit-elle.
-E…Emma… Mais comment t’as fait ?
-Ben… Je vous ai suivis. Super, le coup dans le ventre ! Mais tu vas faire quoi, maintenant ?
-Attends, je te répondrai après. Toi, tu… tu as fait comment pour prendre la voix de Maman ?
Affichant un large sourire, Emma montra à Norman un petit objet :
-Le… l’imitateur de Ray ?
Lorsqu’ils étaient enfants, ils s’étaient lancé un défi : créer un robot capable de reproduire une voix humaine. Norman et Ray avaient conçu ce petit appareil, qu’ils appelèrent imitateur. Puis Ray l’avait gardé.
-Oui, hihi ! Mais l’heure n’est pas aux bavardages. Il faut échapper à Maman !
Norman la suivit en pensant amèrement :
« Pour une fois qu’elle est plus mature que moi. »
Ils traversèrent la forêt et s’arrêtèrent brusquement en arrivant à la barrière.
-Haa…Haa… C’est bon ? fit Norman, haletant.
Emma sauta sur l’arbre le plus proche et guetta le moindre mouvement des feuilles.
-Non, y a rien, finit-elle par crier de la cime de l’arbre. Mais viens quand même, tu fais pas mal de bruit.
Norman tenta de monter, mais après quelques branches, tomba lourdement sur le sol.
-CHHHT !!! le rabroua Emma. Vite, prend ma main ! Quelqu’un arrive !!!
Norman prit la main d’Emma et grimpa aussi vite qu’il le pouvait.
« Ce n’est peut-être pas ma dernière heure, finalement. »
DU POINT DE VUE D’EMMA…
Emma guettait, anxieuse. Elle soupira en jetant un regard à Norman qui venait de se percher tant bien que mal sur une branche, à côté d’elle.
Elle laissa tomber sa tête sur la branche.
« Je dois tout faire pour le sauver. »
-À ton avis, chuchota Norman, elle va nous retrouver ?
-Je ne sais pas, répondit Emma.
-Elle nous retrouve tout le temps.
Il releva soudain la tête, comme frappé par un éclair.
-Mais oui ! Tu sais, quand quelqu’un se perd et qu’elle doit aller le chercher, elle regarde toujours sa montre !
-Ben oui, pour savoir l’heure… Non, c’est pas normal !
Ils eurent la même idée en même temps.
-Ça voudrait dire que… commença Emma.
-La montre à gousset fait office de traceur ! continua Norman. On a sans doute une espèce de mouchard implanté dans notre corps !
-Très juste.
Ils tournèrent la tête, paniqués.
-RAY ! C’EST PAS JUSTE, EMMA M’A DÉJÀ FAIT LE COUP ! s’offusqua Norman.
-Vraiment ? Tant mieux, alors ! railla le jeune garçon, qui avait ramassé l’imitateur qu’Emma avait fait tomber.
-T’ES PAS SYMPA !
-Chht ! Tu veux nous faire repérer ? Tu fais pas beaucoup d’efforts pour rester en vie, Norman ! s’énerva Emma.
-Oui bah pardon, c’est pas ma f…
-Chut, le coupa Ray. En effet, il s’agit d’un mouchard qui est implanté dans notre corps à la naissance. Et toi non plus d’ailleurs, Emma, tu avais laissé tomber l’imitateur, n’importe qui aurait pu te trouver.
-HEIN ? Mais comment tu le sais ? fit Emma.
-Je sais tellement de choses que vous ne savez pas, dit Ray d’un air las.
-Moi je sais quelque chose que tu ne sais pas : tu es le pire des vantards, lui lança Norman.
-Et comme je suis aussi le plus intelligent des humains, j’ignore cette pique, fit Ray, se parant d’un petit air suffisant.
-T’es pathétique, riposta Norman.
-Tu fais des rimes, maintenant ?
-MAIS VOUS ALLEZ VOUS TAIRE, OUI ?!hurla Emma à voix basse, ce qui demandait des efforts.
Les deux garçons tournèrent simultanément la tête.
-Bon, reprit Emma. Ray, tu dis qu’ils nous implantent un traceur dans le corps à notre naissance ? Mais où ?
-Ça, je ne sais pas. Tu n’aurais pas remarqué quelque chose d’étrange, puisque tu t’occupes des bébés avec Gilda ?
-Ben j’ai pas cherché… Ah ! Mais oui ! La prise de sang !
-Gné ? De quoi tu parles ? demanda Norman.
-Maman m’a dit qu’on faisait aux bébés une prise de sang à leur arrivée, dans l’oreille… Ça doit être ça ! Carol l’avait, par exemple…
-Maintenant que tu le dis, c’est l’endroit parfait ! constata Norman.
-Et la cicatrice disparait très vite… Indétectable ! Cela dit, leur traceur est un peu bidon, renchérit Ray.
-Bidon ? D’huile, tu veux dire ?
-Assez de spiritualité pour aujourd’hui, Norman, fit Ray, agacé.
-Rah là là, t’es pas sympa et t’es pas drôle…
-BREF !! En effet, il ne nous identifie pas à part entière. Il donne juste notre position. Et… hum… comment expliquer à des cruches comme vous…Aïeu.
Emma venait de lui donner un coup sur la tête.
-Elle sait par exemple que quelqu’un était avec toi au portail. D’ailleurs, au départ, elle savait juste que deux d’entre vous y étaient, continua le garçon.
-Ah ! le coupa Norman. Parce que le traceur ne sait pas qui on est ! Les mouchards ne sont pas individuels !
-Oui, c’est ça. Et tu lui as confirmé sa supposition en te dénonçant—
- Bêtement, comme un enfant de trois ans qui ne sait pas ce qu’il ne faut pas dire, compléta Emma.
-MAIS VOUS VOUS ACHARNEZ CONTRE MOI OU QUOI ???
-J’en ai bien l’impression…
Emma, Ray et Norman se retournèrent…
Et découvrirent Maman.
DU POINT DE VUE DE RAY…
« Enfin, elle est là. Elle en a mis du temps… »
Ray savait bien que Maman arriverait à un moment ou un autre. C’était inévitable, avec ce satané mouchard.
-M… Maman, bégaya Norman.
-Toi, tu te tais, lui lança froidement Maman. Pour le moment, je veux une explication de vous deux, ajouta-t-elle en pointant du doigt Emma et Ray.
-Ah… Euh… Ben, commença Emma, mal à l’aise.
-Alors ? J’écoute, fit Maman.
-Je vous ai suivis, parce que je ne voulais pas que Norman meure, voilà, c’est tout. C’est normal, non ? dit Emma.
-Et toi, pas besoin de te demander, fit Maman.
-Naturellement, répondit Ray.
-Comment ça, pas besoin de te demander ??? s’écria Emma. Il est sorti, lui aussi !!!
-Oui, mais je sais qu’il m’est loyal. Contrairement à vous.
Emma déglutit. Ray leva les yeux au ciel.
-Tu es très ambiguë, Maman, dit-il. Tu ne crois pas qu’on pourrait se montrer plus clairs ?
-Non, pas encore, trancha Maman.
« Non, évidemment. Blablabla, pas encore, il est trop tôt… C’est tout elle. »
-Bon, je vais me coucher, fit-il en s’éloignant.
-Qu-qu-qu-QUOI ??? s’étrangla Emma.
-Ben oui, j’ai sommeil.
-M-mais tu tu nous laisse là, comme ça ?
-J’ai plus de raison de rester.
-Mais Ray ! protesta-t-elle.
-Je t’expliquerai demain !!! Maman, il est tard, je propose d’envoyer Norman demain.
-Mh, fit Maman.
Ray n’entendait plus que des murmures au fur et à mesure qu’il avançait vers l’orphelinat.
« Il faut toujours leur expliquer. Quels pigeons. »
Tout en marchant, il ressassait des phrases de livres qu’il aimait bien.
« Bon, je vais lire Germinal, et me coucher. »
-NON !!!
-Hm ? C’était quoi, ça ?
-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!!!
« … »
-EMMA !! NORMAN !!
Et il repartit en courant vers l’endroit où il les avait laissés.
« Mais quel idiot !!! Pourquoi je les ai laissés ! Maman ne m’a pas écouté !! »
Il arriva et trouva Emma seule, allongée par terre. Elle pleurait.
-Nor… Norman…
-Qu’est-ce qui se passe, Emma ?
-Elle…l’a… emmené !
-Norman a été… emmené ?
-Oui !
Et elle pleura de plus belle.
-Gh… Pas question ! Elle ne le livrera pas ! Viens !!!fit Ray.
-Je ne peux pas !
Ray remarqua alors un énorme hématome bleu-violet sur sa jambe droite.
-Je… Que s’est-il passé ? demanda-t-il, ahuri.
-Eh bien, je… je voulais… Maman ne t’a pas écouté, raconta Emma. Elle a commencé à emmener Norman, j’ai voulu l’arrêter…Et elle m’a fait ça, ajouta-t-elle en désignant sa jambe meurtrie. Elle m’a cassé la jambe, je crois. Je ne peux pas te suivre, désolée, conclut-elle.
-Bon, j’irai seul, décida Ray.
-Fais attention ! lui cria Emma de loin.
Ray s’enfonça en courant dans les bois vers le portail.
Une fois arrivé, il se tapit contre le mur et retint son souffle. Après avoir pris une grande inspiration, il s’engagea dans l’ouverture sombre et avança en rasant le mur.
Il entendit la voix de Norman dire :
« Mais pourquoi ? »
La voix de Maman lui répondit avec agacement :
« Ne pose pas de questions. Je suis sûre que tu ne voulais pas mourir, de toute façon, je me trompe ? »
-Mais… commença Norman.
-C’est comme ça. Allez, dis-lui bonjour…
-HEIN ??? »
« Mais qu’est-ce que ça veut dire ? »
-Qui êtes-vous ?
-Oh, ce n’est que ton nouveau… Attends.
« Nouveau quoi… ? »
La voix de Maman s’arrêta, et Ray entendit une respiration inquisitrice.
-Il y a quelqu’un, reprit-elle froidement.
Ray sentit ses pas arriver vers lui. Il retint sa respiration et se dissimula encore plus derrière le camion.
-Ray, puis-je savoir ce que tu fais ici ? Où es-tu ?
« Comment a-t-elle… Ah mais non, c’est évident. Je suis le seul dehors qui puisse marcher. »
-Pourquoi je te le demande, d’ailleurs ? J’ai ma montre…
Et elle contourna le camion, laissant apparaître un Ray terrifié.
DU POINT DE VUE D’EMMA…
« Aagh… »
Emma s’était déjà blessée, mais jamais elle n’avait ressenti une douleur pareille.
« Et je ne peux pas aller rejoindre Ray… »
« Norman qui va être livré… Et Ray qui fait des choses imprudentes… »
« Et pourquoi il est parti comme ça en disant qu’il allait se coucher ? Est-ce qu’il … travaillerait pour Maman ? Oh non ! Mais depuis quand ? Dans ce cas, il… il nous a menti depuis le début ?? Ah, je vais le tuer… »
« Mais je ne peux pas bouger… »
-HAAAAAAAA ! HAAAAAAAAAAAAAAA !
Elle se mit à hurler pour attirer l’attention.
-HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!! HA…
Elle s’interrompit, soulagée. Une lueur venait de s’allumer dans l’orphelinat. Puis elle cria à nouveau.
-HAAAAAAAAAAA !!!!
-Emma ! Qu’est-ce qui se passe ?
Don et Gilda étaient arrivés.
-Qu’est-ce que… OH ! Ta jambe ! s’affola Gilda.
-C’est Maman… Elle m’a cassé la jambe… Mais il faut vite aller aider Ray ! Il est parti chercher Norman, parce que Maman l’a emmené ! Vite !
-Mais tu ne peux pas marcher… Comment tu viens avec nous ?
-Non, allez-y seuls ! leur ordonna Emma.
-Non ! fit Don. On va te porter !
-Allez-y tout seuls, je vous dis ! Une minute… Vous savez comment on procède pour récupérer quelqu’un, hein ?
-Euh, ben, pas trop, reconnut Don, penaud.
-Bon d’accord, portez-moi.
« Bon, moi non plus, mais tant pis ! J’arrive, Norman ! »
Don la prit sur ses épaules et commença à courir vers le portail.
-Par là ! lui dit Emma.
Un peu plus tard…
Arrivés au portail, Emma descendit des épaules de Don, et ils avancèrent prudemment la en soutenant.
Ils trouvèrent Maman tenant Ray par le col. Elle leur tournait le dos. Ray eut un mouvement de visage quand il les vit, mais Emma lui fit signe de faire comme si de rien n’était.
Il continua donc à fixer Maman.
-Libère-le, je te dis ! Tu m’avais promis qu’ils vivraient jusqu’à leurs 12 ans !!!
-Tu pensais vraiment que je te faisais entièrement confiance ?
-Non, mais…
-Alors ne sois pas surpris, susurra Maman en resserrant sa prise.
-Mais lâche-moi !! Après six ans de bons et loyaux services ???
« De bons et loyaux services ? J’avais raison ? » pensa Emma, hésitante.
C’est à ce moment là que Don la lâcha et sauta sur Maman.
-LIBERE NORMAN !!! S’IL N’EST PAS MORT !!!
-Don ? Gilda ? Emma ? Oh, mais c’est un quintette, dites-moi…
Emma leva froidement les yeux vers elle et sourit.
-Qui te dit qu’on est que cinq… ?
Derrière eux se dressaient tous les enfants âgés de plus de 5 ans de Grace Field.
Les petits faisaient barrière pour empêcher Maman de sortir. Thoma et Lannion les assistaient. Anna et Nat se mirent à chercher Norman, tandis que Don et Ray se débattaient pour empêcher Maman de les arrêter. Emma, soutenue par Gilda, ne pouvait rien faire.
-Gilda ?
-Oui, Emma ?
-Lâche-moi, s’il te plaît, et va chercher un bâton assez long pour me servir de béquille et un autre pour l’attelle. Comme ça, nous pourrons faire quelque chose, lui demanda la jeune fille.
-D’accord.
Elle revint bientôt et Emma entreprit de nouer le petit bâton autour de sa jambe. Elle se releva, prit sa béquille, et alla chercher Norman. Gilda se dirigea vers les petits pour les aider.
Maman, qui était encombrée de deux poids morts -Don et Ray- cria aux enfants :
-Mais que se passe-t-il ? Pourquoi tous vous monter contre moi ?
-Emma, Don et Gilda nous ont tout raconté ! cria Nat.
-Tu ne tueras personne dorénavant ! renchérit Anna.
-Nous allons nous évader ! Et tu ne peux rien y faire ! ajoutèrent Thoma et Lannion.
-Mais… protesta Maman. Vous avez eu une enfance heureuse ! De l’amour ! Pourquoi ne pas rester ici ?
-Et mourir dès 6 ans si l’on n’a pas de bonnes notes ? rétorqua Yvette.
-Jamais ! compléta Alicia.
-Il ne faut surtout pas la laisser sortir !!! cria Ray, toujours accroché aux jambes de Maman. Elle va contacter le QG pour réprimer l’évasion !!!
-Où est Norman, Maman de l’enfer ? cria Don.
-ON L’A TROUVE !!! Viens, Norman ! hurla Nat.
Le jeune garçon apparut, tout étonné de cette révolte.
-NORMAN ! cria Emma de soulagement.
-Emma ! fit-il tandis qu’elle lui sautait tant bien que mal dans les bras. Comment va ta jambe ?
-BON PERSONNE NE S’OCCUPE DE NOUS ? hurla Ray.
Il faut dire qu’ils étaient en mauvaise posture et Maman se débattait comme un beau diable. Anna et Nat se saisirent de ses bras et Don et Ray de ses jambes. Ils la transportèrent, tandis que Lannion et Thoma soulevèrent son dos. Emma et Gilda, aidées des petits, lui coincèrent les membres sous des poids et des caisses.
-Maintenant, tu vas répondre à toutes nos questions, triompha Emma.
-Pff, je suis un mur, fit Maman, narquoise.
-Premièrement… commença Ray.
-Non non non, toi aussi tu es sous interrogatoire, le coupa Gilda.
-Qu… quoi ?!
-D’abord Maman, reprit Emma. As-tu toi aussi grandi à Grace Field ?
-Si c’est ce que vous voulez… Oui, mais pas ici.
-Comment veux-tu avoir grandi à Grace Field House si ce n’est pas ici ? rétorqua Don, sceptique.
-Il y a 5 sites Grace Field. Le sixième est le QG.
-Comment es-tu devenue Maman ? continua Emma.
-Tu crois que je vais te le dire ?
-Vas-tu répondre à nos questions ? s’agaça Norman.
-Non, répondit Maman.
-Dans ce cas… soupira Emma. Passons à Ray, dit-elle en se tournant vers le garçon.
PARTIE 4 REVELATIONS
DU POINT DE VUE DE NORMAN …
« Mais que fait Emma ? Ray est de notre côté !!! »
« Mais… à moins que… »
-Ray, tu es officiellement soupçonné de traîtrise envers l’évasion.
-Quoi ? Mais qu’est-ce que tu racontes, Emma ? répondit Ray, mal à l’aise.
-Ne fais pas l’idiot. Ils l’ont compris ! lui lança Maman.
« Hein ? C’est vrai, alors ? »
-Comment as-tu deviné ? dit Ray, totalement dénué de son calme habituel.
-Je ne l’ai pas deviné, objecta Emma. Mais tu viens de me le confirmer.
-Raaaaaah ! cria Ray. Tu m’as piégé !
-Non, je t’ai entendu ! Tu nous crois trop bêtes, Ray. Nous sommes aussi intelligents que toi, et même plus quand nous nous unissons. Si tu es contre nous tous, tu perdras.
-Je ne suis pas contre vous ! Ni contre Maman !
-Dans ce cas, pourquoi ne pas être totalement avec nous ? objecta Anna.
-Ou avec moi, ajouta Maman.
-Parce que je ne veux pas vous perdre, c’est tout ! Si vous vous évadez, c’est… vous mourrez ! Le monde est rempli de démons ! Qui… qui vous boufferont à la moindre occasion !
-ON LE SAIT ! fit le chœur des enfants.
-Et pourquoi être resté l’agent de Maman ? Qu’est-ce qui te rattache à elle ? C’est une éleveuse qui livre des enfants à des démons ! s’indigna Don.
-PARCE QUE ! hurla Ray.
-Parce que c’est mon fils.
Tous s’arrêtèrent de bouger, même de respirer. La voix calme de Maman avait retenti dans la mêlée, mais tout le monde l’avait entendu.
Alors Norman sortit de l’ombre.
-C… c’est vrai, Ray ? Maman est ta vraie mère ?
Le garçon baissa la tête, sa mèche cachant son visage. Quand il la releva, ses yeux exprimèrent plus d’émotions qu’il n’en avait jamais ressenti dans sa vie toute entière.
-Oui.
-Mais comment l’as-tu su ?
-Je… j’ai des souvenirs très lointains. Il y en a même qui remontent à avant ma naissance. Dans mon premier souvenir, je suis dans le ventre de ma mère. Elle me chante une berceuse. Et puis après, je chantais cette berceuse. Et quand j’ai eu six ans, Maman m’a surpris en train de chanter, et j’ai compris. C’est là que je lui ai proposé.
-Et un marché est un marché. Ah, Ray… soupira Maman. Tu as finalement fini par me trahir pour de bon.
-Pour de bon ? s’étonna Mark.
-Tu le soupçonnais ? demanda Jemima.
-Pff, n’importe quoi, fit Ray en balayant ses paroles d’un geste.
-Haha, tu crois que je n’avais pas remarqué que tu le faisais pour t’évader au final ? ricana Maman.
-Dis donc, Ray, t’es un peu largué, non ? fit Norman.
-Noooon, pas du tout, répondit Ray.
Norman prit un air sceptique avant de répliquer :
-Ray. Dis-moi tout.
-Nan, répliqua le jeune homme.
-Si.
-Nan.
-S…
-BON, VOUS AVEZ FINI, OUI ??? les rabroua Emma.
Les deux garçons se turent, vexés.
« Pense à autre chose, bêta. »
« Dans un triangle rectangle selon le théorème de Pythagore, le carré la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés… »
-Je ne dirais rien, s’obstina Ray.
« A au carré plus B au carré égal C au carré… »
« RAH MAIS C’EST TROP DUR !!! IL M’ENERVE !!! »
-Bon, dans ce cas on va te coincer avec des poids toi aussi et on va s’évader tous seuls, trancha Emma.
-NON NON NON !!! s’affola Ray. C’EST DANGEREUX !
-Oui, mais bon… Je veux m’évader moi !
-Et je veux manger moi ! renchérit Mark.
-Oui, oui, plus tard, l’arrêta Gilda.
-Pourtant, c’est pas ton genre, Emma, remarqua Norman.
-Comment donc ?
-Ben, tu veux sauver tout le monde, répondit le garçon.
-OUI ! TOUT LE MONDE SANS EXCEPTION !
-Alors pourquoi voudrais-tu les mener au suicide sans avoir rien préparé, rien planifié, rien ?
Emma arrêta de sautiller sur sa jambe valide et le contempla, pensive.
-Les mener… au suicide ? répéta-t-elle péniblement.
-BEN OUI ! QUAND C’EST NORMAN TU ECOUTES, ET QUAND C’EST MOI TU ME FOUS DES VENTS !!! s’indigna bruyamment Ray.
-Oui bon ! T’es un traître ! répliqua Don.
-Mais ! protesta le garçon.
Sans un mot, Emma continuait de réfléchir.
« A quoi peut-elle penser, hein ? Ah, si seulement j’avais sa force et son courage… »
DU POINT DE VUE D’EMMA …
« Comment tout préparer vite et bien ? Il nous faudrait longtemps pour tout réunir… Et en secret qui plus est… Et il faudra surveiller Maman car si on retourne à une vie normale, elle contactera le « QG » … Et s’entraîner… Pour ça, on est en bonne forme physique à cause du jeu du loup… Non mais avec ma jambe il me faut au moins deux mois de repos… Et si on -non c’est idiot… »
Emma commençait à échafauder un plan et allait prendre Norman à part quand Nat demanda :
-Bon, maintenant on fait quoi ?
-Ah… euh ben, on surveille Maman… Et euh… tenta Don.
-Laisse tomber, Don. Je m’en charge, l’arrêta la jeune fille rousse.
Elle fit signe aux plus grands de venir.
-Ecoutez, commença-t-elle à mi-voix. On va devoir rester ici deux mois environ, à cause de ma jambe. Pendant ce temps vous préparerez l’évasion et il faudra surveiller Maman… On a pas une prison ou quelque chose comme ça ? Maman ne vous a jamais mis au coin ?
-Si, moi, fit Don en levant la main.
-Et alors qu’est-ce qu’elle a fait ? Elle t’a enfermé ?
-Oui c’était la très grosse bêtise, tu sais, quand on avait…
-Ah, cette bêtise-là, le coupa Gilda avec un soupir. Et où t’a-t-elle enfermé ?
-Il me semble que c’était dans le cagibi ? osa Thoma.
-Non, non, une sorte de… cage, je crois…
-OU ETAIT-ELLE ??? cria Norman tout excité.
-Waaah ! Moins fort, Norman ! s’affola Nat.
-Je vous montrerai. Tu veux enfermer Maman ? s’enquit Don.
-Oui, répondit Emma. Ensuite, j’essaierai de me rétablir le plus vite possible.
-Mais… Si Maman est enfermée qui s’occupera de nous ?
-Nous-mêmes voyons ! On sait faire la cuisine, la lessive, s’occuper de nous…
-Ah ben oui ! J’avais oublié ! fit Don, en se frappant le front. Du coup tu veux enfermer Maman ? Ou on peut la garder ici ?
-Non, c’est trop dangere… OH NON ! Vite ! Prenons Maman et retournons à l’orphelinat ! cria Emma.
-Bah pourquoi ?
-Les démons, souffla Gilda, comprenant d’un coup.
Alors ils s’emparèrent tant bien que mal des extrémités de Maman. Ils la transportèrent tous ensemble (les plus grands tenant les bras et les jambes, et les petits soutenant où ils pouvaient.) jusqu’à l’orphelinat. Mais à mi-chemin, Maman qui se débattait les envoya valser et se libéra. Elle leur dit :
-Je vais prévenir le centre de ce pas, croyez-moi ! Venez !!
Elle les poussa par-derrière et les fit courir jusqu’à la bâtisse.
Une fois arrivés elle les fit rentrer brusquement et ferma la porte à clé.
-Et ne pensez pas crocheter les serrures, triompha-t-elle.
Ils tentèrent quand même, en vain. Emma enrageait.
« On leur a tout dit ! Et elle va prévenir des gens ! Oh, quelle idiote ! Quelle idiote ! »
Tandis qu’Emma se lamentait, Maman avançait vers sa chambre. Elle poussa la porte, et fit rouler la commode. Elle entra dans la pièce secrète.
Elle s’assit au poste de communication, mit son casque et déclara :
-Ici, le site n°3, matricule 73584. Rien à signaler. Je demande une aide pour surveiller les enfants.
-D’accord, lui répondit une voix.
Le surlendemain, la surveillante en question arriva. Elle s’appelait Krone. Elle inquiétait beaucoup Emma, Norman et Ray.
« Une adulte de plus ! Une ennemie ! »
-Les enfants, voici Sœur Krone. Elle m’assistera dans mes tâches de surveillance.
-Enchantée, les enfants… Je suis sûre que nous allons tous très bien nous entendre, dit la nouvelle venue.
-Et, bien entendu, comme je vous l’ai déjà expliqué, l’adoption de Norman a été quelque peu retardée. Ce sera donc ce soir.
« NON ! »
-Pas encore ! souffla Ray.
-Tu as dit quelque chose, Ray ? s’enquit d’un air ironique Maman.
-Non, non, fit le garçon en rougissant.
Le soir, Norman et Ray se retrouvèrent tous trois dans l’infirmerie.
-Tu ne vas pas encore te faire livrer ! Non ! Norman, il faut que tu t’enfuies ! le supplia Emma, qui avait passé la journée dans son lit.
-Et comment faire ? dit tristement Norman. Elle me retrouverait tout de suite avec le traceur.
-Justement, à propos de ça… dit Ray. Hum, voyez-vous, je ne suis pas une taupe pour de vrai.
-Noon, sans blague ? fit Norman, sceptique.
-Arrête, lui rétorqua Ray en lui donnant une petite tape sur la tête. J’ai passé un marché avec elle. Parce que depuis que j’ai six ans, je prépare ce projet, figure-toi ! Pour vous sauver !
-Nous sauver ?
-Si je suis un bon espion, elle me donne quelque chose en échange. Elle m’a enfin donné la pièce qui me manquait.
-La pièce qui te manquait ?
-Mais arrête, Emma ! T’es pas un perroquet !
-Oui bah j’essaye de participer à la conversation. Je pensais pas que tu m’aimais tant, Ray !
-Non, c’est juste que je me sentirais trop seul, dehors.
-Mais il faut te rendre à l’évidence. On ne peut pas s’évader tous les trois, lui lança Norman.
Ray le regarda d’un œil torve.
-J’ai bien compris, oui. Je veux bien Don et Gilda, à la rigueur. Mais pas les boulets de 5 ans.
-Tu veux donc qu’ils se fassent livrer ? lui dit Emma froidement.
-Non, mais…
-Tu ne te soucies pas de leur sort ? Tu n’as pas de cœur ? continua-t-elle, s’enflammant.
-Mais non, arrête !
-Tu es vraiment idiot !
-Arrête !
-NON, JE N’ARRETERAIS PAS !
Des enfants apparurent en courant.
-EMMA ! Que se passe-t-il ?
Emma les contempla et les désigna à Ray.
-Tu vois ? Si on crie, ils accourent. Si on se blesse, ils s’inquiètent et nous soignent. On est une famille !
Le petit Phil, qui n’était pas au courant du secret de l’orphelinat, s’avança.
-Emma… Qu’est-ce que tu as ? En ce moment, tu ne joues plus avec nous… Vous êtes tout le temps que tous les trois, et on sait jamais ce que vous faites… Et maintenant tu vas plus du tout pouvoir jouer…
Il s’arrêta et se mit à sangloter. Emma le prit dans ses bras.
-Pardon, Phil… C’est vrai que je ne joue plus trop avec toi. Mais si tu veux, quand je serai guérie, on se cachera ensemble quand on jouera au loup !
Phil renifla et s’en alla, suivi des autres. Don et Gilda restèrent.
Emma s’affala sur son oreiller. Elle jeta sa main sur son visage et soupira :
-Mais qu’est-ce qu’on va faire ? Mais qu’est-ce qu’on va faire ??
Norman avait l’air résigné. Ray ne démordait pas de son idée. Maman avait appelé une surveillante. Rien n’allait plus.
Emma allait devoir attendre de guérir, et Maman aurait livré Norman et Ray.
Le soir, Emma allait s’endormir quand on toqua à la porte.
-Entrez, dit-elle.
Et Maman apparut. Emma la regarda avec un air de défi. Maman s’assit sans un mot à côté de la jeune fille, et l’attira contre elle.
-Oh, ma pauvre Emma. Tu es seule, non ? Norman va se faire livrer, et Ray suivra… Tu sais, Emma, je pourrais te recommander pour un poste de Maman.
-Un poste de Maman ?
-Oui. Tu pourrais grandir, atteindre l’âge adulte, porter un enfant, puis prendre ma place.
Emma garda le silence.
-Qu’en dis-tu ? continua Maman.
La voix de Gilda était revenue. Ses rêves devenaient réalités.
-Je…
Non ? Oui ?
Devenir Maman permettait d’atteindre l’âge adulte, de vivre… mais cela impliquait de sacrifier des enfants innocents…
-Eh bien ? Ma proposition n’est pas limitée dans le temps. Je te laisse le temps de réfléchir.
Et elle sortit, laissant Emma se morfondre.
Gilda entra alors.
-Qu’est-ce qu’elle te voulait ?
-Elle m’a proposé de devenir Maman.
-Ah, euh. D’accord. Si tu veux mon avis, tu devrais accepter et stop ! - elle arrêta Emma qui voulait protester – ENSUITE, je dis bien ensuite, quand tu es devenue Maman ou Sœur, tu libères les enfants et tu t’enfuis avec eux. Et je te rejoins.
-Heu… Gilda, écoute. Quand même, ça fait neuf ans qu’on se connaît ! Tu penses vraiment que MOI, je vais accepter une chose pareille ?
-Pff… Non, mais… C’était juste une suggestion…
-Oui, je sais, toi tu vas essayer, mais… Ce n’est pas pour moi. Je préfère encore être livrée.
Gilda s’en alla. La jeune fille resta là. Le lendemain, Maman revint. Emma avait réfléchi. Elle lui annonça la réponse :
-Hum…
DU POINT DE VUE DE NORMAN…
Un jour plus tôt…
« Emma doit avoir eu la proposition, maintenant. Qu’a-t-elle répondu ? »
Il vit Gilda entrer dans la chambre d’Emma.
-Qu’est-ce qu’elle te voulait ?
Il entendait quelques bribes de la conversation.
-Elle… prop…sé… venir… man…
« C’est bien ce que je pensais. Maman lui a dit. »
-Devrais accepter…
« Quoi ? Gilda a encore cette idée en tête ? »
Gilda sortit. Norman rentra.
-Alors ?
-De quoi tu parles ?
-Emma…
-Pourquoi je ne peux rien te cacher ?
-Dis-moi tout avant que je m’en aille.
-Elle m’a proposé de devenir Maman. Et j’ai dit que j’allais réfléchir. Enfin, je n’ai pas répondu, et puis Gilda m’a conseillé d’accepter.
-Et tu l’as envoyée bouler.
-Euh… En quelque sorte…
-Emma, arrête. Fais-moi plaisir, pour mes derniers instants…
-Non ! Norman, pourquoi faut-il que tu partes ? Va te cacher ! Fuis tant qu’il est temps !
-Ma décision est prise. Tu ne peux pas me faire changer d’avis. Tiens.
Il lui tendit un paquet.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Norman ! Maman te demande ! dit Nayra par la porte.
-D’accord, dis-lui que j’arrive !
Il commença à enfiler les vêtements d’adoption. Il mit le gilet par-dessus sa chemise… il mit le pantalon tandis qu’Emma fermait les yeux… tandis que ses yeux s’embuaient… il passa la veste et saisit sa valise… à ce moment-là, Emma pleurait.
-Arrête ! Tu sais bien que je n’aime pas quand tu pleures !
-Mais je… !
-Laisse tomber, Emma…
Ray se tenait dans l’encadrement de la porte.
-Il n’y a plus d’espoir, conclut-il.
Et il s’en alla. Norman tendit sa béquille à Emma. Elle se leva sans un mot, et ils marchèrent tout deux, Norman soutenant son amie.
·PARTIE 5 NORMAN S’EN VA
Tous les enfants étaient réunis. Norman parcourut l’assemblée du regard.
« Emma, Ray, Don, Gilda, Anna, Nat, Thoma, Lannion… Les petits… Phil, Shelley, Damdin, Hans, Manya, Nayra, Mark, Alicia, Yvette, Jemima, Christy, Vivian … Les bébés… »
Il y en avait encore bien d’autres… Norman arrêta ses yeux sur chacun d’eux.
« Où que j’aille, je veux garder une image d’eux. »
-Dis-leur au revoir, c’est le moment, fit Maman avec un sourire.
Il prit dans ses bras chaque enfant. Il prit la main d’Emma, cherchant Ray du regard, et ne le trouvant pas, fit ses adieux à Emma.
-Emma… Au revoir. Prends soin de toi… Fais bien attention… Je te confie les autres.
-Oui…
Elle appuya sa tête contre son épaule, et il chuchota :
-Je compte sur toi pour l’évasion.
Emma se dégagea.
-Il est l’heure, Norman, dit Maman en lui posant son chapeau sur la tête.
-Oui, Maman.
Maman empoigna la valise de Norman et ils sortirent.
DU POINT DE VUE D’EMMA…
Les enfants se dispersèrent. Emma resta là, appuyée sur sa béquille.
Elle se croyait presque dans un rêve. Norman était parti.
« Non. Non, non, non ! »
« Norman ! »
« Reviens ! »
Elle alla dans sa chambre, où Don, Gilda et Ray l’attendaient.
-Alors ? demanda Gilda. Que fait-on, maintenant ?
-On s’évade comment, sans Norman ? renchérit Don.
Emma allait répondre : « Je ne sais pas encore » quand la voix de Ray résonna :
-Y a rien à faire. On est foutus.
- QUOI ? RAY ! s’offusqua Emma.
- Elle va tous nous livrer le temps que ta jambe guérisse. On va tous crever ici.
- Ray ! Soit pas pessimiste !
- C'est mort meuf.
- Quoi ? Meuf ?
- Gros, tu comprends pas le racaille ou quoi ?
- Tu me trouves... grosse ?
- Laisse tomber, je me casse.
- Ah ben voilà ! Tu veux t'évader maintenant !
Ray, qui traversait visiblement une difficile crise de nerfs, s’éloigna, laissant là Emma toute perdue.
Elle se reprit brusquement, s’assit, et dit à Don et Gilda :
- Je sais comment on va s’évader.
- Hein ? COMMENT ?!
-Norman m’a écrit son plan là-dessus.
Voici ce que contenait le paquet que Norman lui avait tendu, qu’elle leur tendit à son tour :
-
Deux feuilles pliées en quatre
-
Un stylo quadrillé
Emma prit le stylo rapidement, se justifiant :
-Euh, ce n’est qu’un stylo, ça, rien d’important.
Elle reprit ensuite les feuillets.
-C’est le plan de Norman, expliqua-t-elle, souriante.
-Il l’a écrit quand ? s’étonna Don.
-Je pense aujourd’hui.
-Donc… On va l’appliquer ? supposa Gilda.
-En effet. Mais sans doute pas à la lettre. Que doit-on faire, à votre avis ?
Les deux enfants ouvrirent des yeux ronds.
-Mais… Je ne sais pas, moi ! fit Don, désolé.
-Euh… Dire aux autres comment on s’évadera, peut-être ? Sinon, on n’y arrivera jamais !
-Exact, Gilda ! Mais, n’oubliez pas : On doit s’arrêter aux 5 ans et plus. Je ne pense pas que les enfants sachent garder le secret ou supporter. D’autant plus qu’il faudrait leur raconter tout depuis le début.
Don et Gilda ne dirent mot. Puis Emma confia la lettre à Gilda et reprit :
-Je vous la laisse, au cas où vous voudriez la lire.
Ils allèrent se coucher, et Emma s’endormit aussitôt.
Le lendemain, l’après-midi, Gilda et Don vinrent la retrouver près de son lit.
-On a lu le plan, annonça Gilda.
-Et moi, je ne pense pas arriver à faire tout ce qu’il nous dit, ajouta Don à brûle-pourpoint. On a combien de temps ? Un mois ? C’est pas possible, il faudra…
-CHUT !!! le coupa Emma.
Don et Gilda se retournèrent, et ils virent Sœur Krone passer l’air de rien.
-Elle nous espionne, j’en suis sûre, souffla la jeune fille rousse. Bon, maintenant, il faudrait aller expliquer le plan aux enfants. Vous pouvez aller demander à Maman si je peux sortir ?
Leur tutrice donna son accord, et quelques minutes plus tard, Emma était adossée contre un chêne, Don et Gilda l’encadrant, et les enfants qui savaient autour d’elle.
Après une explication…
-Voilà donc comment on va procéder, conclut Emma.
Les enfants posèrent quelques questions, puis s’éloignèrent. Don saisit une corde à laquelle il attacha une pierre (c’était son rôle dans le plan) et commença à la lancer.
Emma les regarda, songeuse. Elle réfléchit un instant, puis sourit.
« Je sais la bonne décision à prendre. »
DU POINT DE VUE DE RAY…
Ray se sentait assez seul, maintenant. Il se terrait dans le recoin le plus sombre de la bibliothèque, à finir de lire les livres qu’il n’avait pas encore lus, dans l’attente sourde et inexplicable de quelque chose. Un miracle, peut-être.
Mais maintenant que son ami de toujours était parti, et que le mois prochain, son tour viendrait, il ne voyait plus trop de raison de s’accrocher à la vie. Peut-être qu’après la mort, il y avait une vie meilleure, une chance de rejoindre enfin ce monde extérieur, dont il avait vu les mérites si souvent vantés, même s’il n’y croyait pas trop.
Non seulement il n’ouvrait la bouche qu’au repas pour dire « Bon appétit », mais plus personne ne lui parlait.
« Comment ça a pu arriver ? »
« Où est-ce que j’ai échoué ? »
« Depuis 6 ans que je prépare ce plan, il foire totalement. C’est foutu. »
« Peut-être qu’Emma et les autres préparent encore un plan. Non, c’est impossible, il n’y a plus d’espoir. »
Il jeta un coup d’œil à la pendule : 7 heures du soir. Il n’avait pas vu le temps passer. Il se leva péniblement et se dirigea vers la salle à manger.
DU POINT DE VUE D’EMMA…
Quand on a la jambe cassée, non seulement ça fait mal, mais ça dure longtemps. Emma allait se retrouver coincée un mois dans un lit sans pouvoir bouger.
On lui apporta son repas, qu’elle avala rapidement sans même regarder ce qui se trouvait dans sa fourchette. Quand elle eut fini, on toqua à la porte.
« Maman. »
-Entrez, fit-elle.
Maman fit son apparition et se dirigea vers Emma.
-Alors, ma petite blessée, tu as réfléchi ? demanda d’emblée sa tutrice.
-Je crois, oui, répondit Emma.
-Dis-moi tout. Tu sais, tu n’es pas obligée de dire oui, simplement, tu seras livrée à tes 12 ans, comme tout le monde, enfin, tu vois ce que je veux dire.
Maman s’efforçait d’être amicale, la jeune fille le voyait bien. Emma prit une grande inspiration.
Et elle lui dit sa réponse.
Sa tutrice partit. Emma était plutôt fière d’elle, elle trouvait qu’elle avait bien géré la situation.
« Par contre, Don et Gilda vont se vexer parce que je ne vais pas leur dire. »
« Bah, ce n’est pas grave, ils n’ont pas besoin de tout savoir. »
Et, pour la première fois depuis le soir où Conny était morte, Emma dormit longtemps et sans cauchemars.
DU POINT DE VUE DE GILDA…
Gilda, elle, fit une nuit sans aucun rêve, ni bons ni mauvais.
« Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir mon rôle. Non, Emma compte sur moi. Non, je ne serai pas à la hauteur… Mais elle m’a confié cette tâche, c’est donc qu’elle sait que j’en suis capable… »
Ce genre de débat intérieur résonnait dans la tête de Gilda depuis deux bonnes heures.
Non, elle ne savait pas du tout quoi faire. Mais elle savait que les enfants allaient réussir. Elle savait qu’ils s’évaderaient coûte que coûte.
Pendant le mois qui suivit, tous les enfants qui savaient le secret de Grace Field s’entraînèrent sans relâche. Le jeu du loup les maintenait en forme, et ceux qui avaient un rôle particulier dans l’évasion peaufinaient leur techniques.
La veille de l’anniversaire de Ray, Emma enleva son attelle. Elle était guérie.
Gilda craignait que Maman ne trouve ça suspect, mais Emma lui assura :
-Je suis sûre qu’elle s’en fiche. Elle croit que j’ai laissé tomber l’évasion.
-C’est vrai que tu fais bien la morte, plaisanta Gilda.
Elle s’efforçait de paraître gaie. L’évasion la tracassait cependant au plus haut point. Elle n’arrivait pas à visualiser que, demain, ils seraient dehors. Et contre toute attente, demain arriva.
Ray semblait plus démoralisé que jamais, l’espace vide qu’occupait autrefois la tasse de Norman la toisait froidement, Maman souriait d’un air triomphal, Sœur Krone leur jetait des regards malveillants, tout semblait impossible mais Gilda sentait l’espoir ! De l’autre côté de l’orphelinat, tous ces enfants qui feraient de si grandes choses, qui ne se doutaient pas de leur destinée fatale, tous ses frères et sœurs, Gilda les sauverait.
« Si je meurs, peu m’importe. Je me sacrifierais pour eux. »
PARTIE 6 L’EVASION
Le soir, Gilda effectua son rôle à la lettre.
Elle prépara les petits, vérifia les sacs entassés au fond du puits, regarda pour la dernière fois ses petits frères et sœurs, se demandant pourquoi elle s’en était tant fait pour son rôle à jouer, et l’heure était venue. Elle alla se coucher, tremblante de peur et d’excitation.
Gilda se gardait de fermer les yeux. Elle attendait patiemment le signal. Lorsqu’elle jugea l’heure arrivée, elle se releva sans un bruit et alla à pas de loup jeter un coup d’œil à la pendule : 23h30. Elle fut parcourue d’un énième frisson.
« On va s’évader ! »
« On sera dehors ! »
Elle exécuta une sorte de danse silencieuse de la joie puis sauta sur son lit. Ses pieds se balançaient au-dessus d’elle quand elle décela une infime lueur derrière la porte. Le signal. Emma allait bientôt monter pour les prévenir. Gilda faisait des petits bonds sur place quand elle entendit un cri : « NOOON ! »
Gilda se redressa d’un coup. Elle allait courir pour voir ce qui se passait, mais sa conscience lui dicta de rester encore un peu dans son lit.
Sa conscience avait raison : quelques secondes plus tard, elle vit la silhouette de Maman passer comme une flèche devant la porte. Cette fois, n’y tenant plus, Gilda passa la tête dans l’entrebâillement de la porte. Elle distinguait la voix d’Emma qui parlait de Ray et de feu.
« De feu ?! »
Une odeur de brûlé flottait à présent dans l’air. Elle s’avança prudemment dans le couloir et descendit l’escalier. Quelle ne fut pas sa stupeur quand elle découvrit la pièce principale en flammes ! Maman, un extincteur à la main, tentait d’éteindre les flammes. Gilda cherchait Emma du regard, quand une voix lui chuchota :
-Surtout ne fais pas de bruit et recule doucement.
-Emma ? C’est toi ? demanda, paralysée, la petite fille.
-Oui, répondit son aînée qui grinçait des dents. Maintenant retourne-toi et cours !!
Gilda fit brusquement volte-face et détala comme un lapin effrayé, Emma à sa suite. Gilda, haletante, tourna la tête et lança à Emma :
-L’incendie, ce n’était pas prévu !!! Qu’est-ce que vous avez fichu ?
-Je t’expliquerai plus tard, fit la rouquine en la dépassant. L’important, c’est d’aller chercher les petits.
Ils réveillèrent en hâte tous les enfants. Gilda, qui se chargeait des plus petits, sortit dans la nuit. Un frisson parcourut les enfants, soulagés d’être loin du feu. Gilda dit à ses frères et sœurs :
-Restez groupés. Maman va venir vous chercher.
Elle se força à se détourner et, après avoir jeté un dernier regard aux petits, courut vers le puits.
Elle enfila son sac à dos, boutonna son gilet, et partit vers le mur avec ses compagnons.
Lorsqu’Emma et Ray les retrouvèrent, les deux enfants portaient un pansement contre l’oreille. Celui d’Emma était imbibé de sang.
Gilda comprit en un instant : Emma, dans la précipitation, s’était tranché l’oreille.
La rouquine esquissa un faible sourire et arrêta Gilda qui allait se lancer dans un sermon.
-Tout va bien, dit-elle. Ne t’en fais pas…
Ils montèrent ensemble sur le mur et se mirent à courir pour trouver l’endroit adéquat. Gilda observait du coin de l’œil ses aînés. Emma était occupée à expliquer à Ray qu’ils reviendraient chercher les petits quand ils seraient prêts.
La petite fille à lunettes soupira. Emma était si imprudente…
Soudain, un bruit de pas supplémentaire se fit entendre. C’était Maman qui courait après les enfants.
Gilda, paniquée, lança un regard à Emma, qui leur fit signe de continuer.
Ils exécutèrent tout en quatrième vitesse, et la plupart des enfants avaient traversé le gouffre qui séparait Grace Field du monde extérieur. Il ne restait plus que Gilda, Emma et Ray. C’est alors que Maman apparut.
Elle les toisait, haletante, mais gardait son calme habituel.
Emma s’avança à l’encontre de sa tutrice, et dit calmement :
-Que se passe-t-il, Maman ? Il y a un problème ?
-Vous n’irez pas plus loin.
D’un geste rageur, elle détacha un ruban de draps qui alla flotter devant les enfants, les narguant presque.
-Laisse les passer, Maman. Tu as promis.
Gilda regarda d’un air ahuri Emma. Elle balbutia :
-Promis quoi ?
Emma baissa les yeux, puis se tourna vers elle.
-Elle a promis de vous laisser partir.
-Mais… Emma… commença Ray.
-Oui, vous, sourit tristement Emma. C’était la seule solution. Moi, je reste ici.
-Mais tu seras tuée ! protestèrent en chœur les deux enfants.
-Non. Je vais suivre ton conseil, Gilda…
-EMMA ! Tu n’y penses pas ! Oui, moi je l’ai proposé, mais j’étais complètement idiote ! Pas toi, Emma ! Viens avec nous !
-Pardon, Gilda… Mais je ne pourrai pas vous accompagner… conclut Emma.
Elle s’avança et serra dans ses bras Gilda. Elle lui tint la main, puis se détourna.
-Allez-y, maintenant. Profitez bien de dehors.
Gilda, pleurant à chaudes larmes, renifla :
-Au revoir, Emma…
Elle saisit le cintre, le posa sur le dernier ruban, et sauta.
DU POINT DE VUE D’EMMA…
Voilà, Gilda était partie. Emma sécha ses larmes, puis se tourna vers Ray.
-Au revoir, Ray.
Le garçon la regarda, cherchant à dire quelque chose… Mais les mots ne vinrent pas, et il posa finalement le cintre sur le ruban… et manqua de basculer dans le vide.
Maman venait d’arracher le ruban.
-MAMAN ! hurla Emma. Tu avais promis !
-Désolée, Emma, il faut bien que je remplisse mes fonctions. Ils reviendront un jour ou l’autre, mais en attendant, puisque tu vas devenir Maman, il faut bien que je livre quelqu’un !
Elle se fendit d’un sourire.
-Allez, venez, mes chéris.
Emma regarda Ray.
« C’est ma faute. »
« Si je n’avais pas fait cette promesse, on serait tous dehors, à l’heure qu’il est. »
« Ray va mourir par ma faute ! »
Elle baissa la tête, et descendit silencieusement le mur.
Arrivée devant l’orphelinat, elle contempla les enfants.
Elle tomba à genoux. Les enfants s’approchèrent, Ray derrière eux, et ils la prirent dans leurs bras. Elle leva les yeux vers Maman qui souriait tendrement, puis vers les flammes qui léchaient les murs de l’orphelinat, et ferma les yeux.
Alors, apaisée, Emma serra les enfants dans ses bras à son tour.
EPILOGUE
Ce que devint Norman.
12 DECEMBRE 2045
Norman marchait lentement aux côtés de sa tutrice. Il promenait son regard sur le parc plongé dans l’obscurité. Il observa le visage de Maman, qui regardait droit devant elle, balançant doucement sa valise.
Il n’eut pas le temps de bien regarder ; ils étaient déjà arrivés au portail. Il avait un jour plus tôt rencontré un homme. Il ne savait pas encore qui était cet homme.
Maman le conduisit une nouvelle fois dans la pièce attenante au portail où l’attendait le même homme. L’inconnu paraissait du même âge que sa tutrice. Il avait des cheveux bruns aussi foncés que ses yeux étaient bleus. Bleu limpide comme du cristal. L’homme se présenta :
-Bonjour, Norman. Je suis Arnold, je suis chargé de t’escorter chez ton nouveau père.
-Mon nouveau père ? Je ne suis pas censé être tué ? demanda Norman.
-Hum, non. Ton esprit est immensément intelligent et nous voudrions travailler avec toi, répondit le dénommé Arnold.
-Tu es content, Norman ? Toi qui adores faire des recherches ! s’écria Maman.
-Qu’en dis-tu ?
-C’est entendu, dit le garçon après un instant de réflexion.
Maman lui adressa un sourire et tendit sa valise à Arnold. L’homme et le garçon s’éloignèrent.
Norman tentait d’être calme, mais il était surexcité. Qu’allait-il lui arriver ???
Une fois qu’ils furent assez loin, Arnold s’arrêta. Il se tourna vers Norman et plongea son regard bleu cristal dans celui bleu azur de l’enfant.
-Ecoute, Norman. Je veux que tu vives et que tu sois heureux. J’en ai assez d’amener des enfants dans ce centre de recherches horrible. Ici, il y a, au dernier sous-sol, un ascenseur vers le monde des humains, celui où il n’y a pas de démons, celui décrit dans les livres.
-Pour de vrai ?! s’écria Norman.
-Oui. Nous allons y aller ensemble. Mais ce sera dangereux. Es-tu prêt ?
-Tout à fait.
Alors, Arnold lui mit un pistolet dans les mains.
-Le point faible des démons est leur œil central. Tu sais t’en servir ?
Norman fit non de la tête.
-Ben, tu vises, tu tiens bien le flingue, t’appuies sur la gâchette et c’est bon. Il faut être rapide. Tu peux abandonner ta valise ?
-Oui, il n’y a rien sinon un téléphone gobelet dedans. Allons-y.
Et ils se mirent à courir.
13 DECEMBRE 2055
Norman marchait dans les rues de Londres, les mains dans les poches de sa veste.
Aujourd’hui était un jour spécial. Il y a dix ans, jour pour jour, lui et Arnold étaient arrivés dans ce monde-ci. Il tourna la clé dans la serrure de leur petit appartement.
-Je suis rentré, fit-il en élevant la voix.
-Enfin. C’est l’heure des anecdotes !!!
-Papaaa, ça fait dix ans, on en a plus, d’anecdotes sur le monde des démons…
Il avait fini par considérer Arnold comme son père. Et en effet, à chaque anniversaire, ils se racontaient des histoires sur leur vie passée.
-Mais si, mais si, la spéciale !
-Oh nooon ! supplia Norman.
En parlant, le jeune homme tourna la tête vers la fenêtre.
Il repensa à l’époque où ils étaient encore enfants, courant gaiement dans la forêt, et ferma les yeux.
Ce que devint Ray.
15 JANVIER 2046
Ray repensait à tous les bons moments passés avec Emma et Norman.
L’air de la nuit était frais et lui caressait le visage. Il tourna la tête vers l’orphelinat qui luisait d’un éclat orangé.
« Tout ça pour ça… Au moins, je finis comme Norman. Je vais le rejoindre. »
-Dis, Maman…
-Oui, Ray ?
-Tu crois pas que dans une autre vie, on aurait pu vivre comme une mère et son fils ?
Silence. Puis, sa mère répondit :
-J’aurais bien aimé, oui. Mais c’est impossible.
-Et ça te rend pas triste du tout d’envoyer ton fils à la mort ??
-Ne me le rappelle pas. Cela m’attriste déjà assez, s’emporta Maman.
-Tu ne veux pas t’en aller et qu’on s’enfuie avec les petits et Emma ? proposa Ray plein d’espoir.
-Malheureusement, c’est impossible.
-Tout est impossible, alors, conclut le garçon.
« Salut, Emma. Salut, Norman. Au revoir, Maman. »
Dans le portail, les démons les attendaient.
Ray ne cilla pas. Il se tint droit et dit aux démons :
-Je suis prêt.
Il ferma les yeux quand la voix de Maman s’écria :
-Attendez ! Puis-je dire quelque chose à mon fils ?
La voix horrible et gutturale du démon grommela que c’était d’accord.
Ray rouvrit les yeux et se tourna vers sa mère.
-Ray… On ne s’est pas considéré comme mère et fils, mais laisse-moi te dire une chose avant que tu partes. Je t’aime.
Ray sourit et dit :
-Moi aussi.
Et tandis que sa mère se retournait pour ne pas voir sa mort, il la regarda.
Il la regardait encore quand il sentit la fleur le transpercer.
Ce que devinrent Gilda et les enfants.
15 JANVIER 2047
Il y a un an, Gilda et les enfants s’étaient évadés de Grace Field sans les organisateurs du projet. Gilda, en tant qu’aînée, dut faire des efforts. Ce qu’Emma lui avait mis dans la main à leurs adieux était le stylo et une lettre.
Chère Gilda, je suis désolée de ne pas te dire ces mots de vive voix. Je dois me sacrifier pour vous laisser partir, toi et les autres. Il y a le plan de Norman avec cette lettre. Le stylo te sera utile pour te repérer ; ouvre le porte-plume. Tire d’encore un cran : voilà ! J’ai glissé dans ton sac les deux livres de William Minerva dont nous n’avions pas encore résolu le secret. Je suis certaine que vous en aurez besoin.
Embrasse tous nos frères et sœurs pour moi. Quand vous reviendrez chercher les petits, passez peut-être au centre me faire un petit coucou ?
Gros bisous, je vous aime tous.
Emma
Ils avaient marché plusieurs jours en direction du point B06-32 et étaient arrivés au refuge. Là, ils avaient trouvé Yugo. Ils avaient vécu ainsi jusqu’à aujourd’hui.
UN AN PLUS TARD, ils étaient revenus à Grace Field chercher les petits. Le centre était fermé, hélas.
Ils s’étaient épanouis et vécurent ainsi jusqu’à leur mort de vieillesse, heureux.
Ce que devint Emma.
12 MARS 2060
-Maman ! Je suis tombée !
La petite Sofya sautillait autour d’Emma, qui s’agenouilla et lui dit :
-Allons, ce n’est pas si grave. Il n’y a qu’un bleu. Vous jouez au loup ? On t’a attrapée ?
-Voui, mais j’étais avant-dernière à être attrapée !
-Super !
Emma avait pris en charge le site n° 4 et veillait tendrement sur les enfants. Elle avait suivi la formation de Maman et avait monté très rapidement les échelons.
Elle ne pouvait se résoudre à accepter le fait qu’elle amenait les enfants à la mort et se détournait toujours lors de la livraison d’un enfant.
Elle avait cependant réussi à oublier sa vie d’antan, et ne voyait quand elle pensait à son enfance que des taches floues et des ébauches de souvenirs.
Un soir, cependant, alors qu’elle couchait les enfants, l’image de Norman, Ray, Gilda, Don et tous les autres enfants lui traversa la tête. Elle s’efforça de la chasser, en vain. L’image flottait devant ses yeux, obstruant presque sa vision.
Alors, elle se laissa tomber sur sa chaise et soupira.
« Et si je m’étais évadée avec eux ? »
« Et si j’avais eu une autre vie ? »
« Et si… »
« Oh, ça ne sert à rien. »
« C’est très bien comme ça. »
Alors elle sourit, et continua à bercer les enfants en chantonnant la berceuse que sa tutrice lui chantait, enfant, quand elle ne connaissait pas le secret.
-Maman ?
La petite Sofya, du haut de ses six ans, s’était relevée.
-Oui ?
-C’est qui ma vraie maman ?
Emma la prit sur ses genoux, frotta son nez contre le sien, et lui répondit :
- C'est moi !

FIN
Remerciements tous particuliers à Clara, ma meilleure amie, qui m’a encouragée à continuer cette fanfiction, et à toi, lecteur, qui a pris la peine de lire cette histoire jusqu’au bout.
Conclusion
Il est temps de conclure. Je ne vois pas vraiment comment conclure une histoire telle que celle-ci, sinon que je souhaite à Emma et Sofya de vivre une belle vie, peut-être de s’évader ? Je souhaite à Norman de profiter d’Arnold autant qu’il le peut, je souhaite à Gilda, Don, Yugo, Anna, Nat, Thoma, Lannion, Mark, Alicia, Jemima, Dominic, Christy, Yvette, Phil, Carol, et tous les autres encore de mener une belle vie aussi, ils rencontreront sans doute Sonju et Mujika au détour d’un chemin, et je souhaite à Isabella de retrouver Ray pour que dans une autre vie ils puissent s’aimer comme une mère et son fils.